vARiaTion
Une autre façon de regarder les tableaux... De penser les images
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In memory of george Dyer 1971 / Fondation Beyeler - Suisse
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A l’occasion de l’exposition Francis Bacon qui avait lieu à Paris au centre Pompidou du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020,
j'ai repris un texte laissé en jachère il y a deux ans sur un des plus célèbres triptyques de F. Bacon :
« In Memory of George Dyer, 1971 "
Je voulais inventer quelque chose à partir de ce triptyque, pour le regarder autrement.
Marre d’être devant, bon public, à regarder un spectacle qui se déroule sous mes yeux, sans savoir lequel!
Marre d'être prise à parti à l'intérieur d'une scène, d'un plateau (cercle sur trois tableaux ) qui me retient, me renvoie au théâtre, au cirque.
D'où venait cette impression? Ce cercle ne se ferme pas vraiment sur nous.
Il nous englobe ( le peintre, son modèle et nous tous voyeurs) plus qu'il ne nous retient prisonnier, ne nous prend pas au piège.
On pourrait presque dire qu'il nous rend notre liberté.
Bacon nous rend à nous-mêmes.
Alors c'est décidé, cette liberté je la prends !
Pour, des coulisses, savoir...
Pour ce faire...
J’ai redistribué ces trois cartes picturales, plus exactement je les ai réagencées
D'autres combinaisons étaient possibles pour créer une nouvelle histoire et regarder autrement
Lancer les dés picturaux encore une fois
Rejouer indéfiniment la partie, telle est notre vie !
L’idée était la suivante : déconstruire la sensation donnée par cet axe horizontal, trop de choses s’imposaient à moi à travers cela.
Proposer une autre forme de lecture à travers l’invention complète d’un axe vertical, non présent.
Je me propose de vous l’expliciter, mais avant cela laissez-moi vous expliquer les raisons de ce choix :
Je voulais passer d’un axe horizontal à un axe vertical
Je voulais passer de ce qui est couché à ce qui est debout
D’ancien à nouveau
De déconstruire à inventer
De gauche à droite à de bas en haut
D’une sensation d’écriture à la sensation d’une montée du désir
Aucune narration n'est souhaitée ni proposée par Bacon, le triptyque peut se lire dans n’importe quel sens.
Je voulais moi-même inventer une histoire à travers ce tableau
Je voulais passer de spectatrice à metteur en scène
Pour cela je n’ai gardé qu’une seule peinture :
Celle de la cage d’escalier au centre du triptyque.
L’escalier est la forme ascensionnelle par excellence…
Il sublime l’axe vertical
Il a le même ressort que la montée d’un désir.
C’est l'inverse de la descente de la croix présente dans une grande partie de la peinture occidentale judéo-chrétienne.
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Et ainsi
Une narration est venue
Une histoire s’est invitée là dans mon travail
L’histoire d'une fiction, l’histoire d’un rendez-vous
Voici trois fois la même image : celle de la cage d’escalier.
Cette image est accompagnée à chaque fois d'un texte différent qui sublime et raconte la montée d'un désir.
Cette mise en scène multiplie ainsi les angles de vue, et donne l'impression que l'image change, alors qu'elle reste la même.
Un autre regard est possible
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Dernier point à évoquer :
Dans cette image de cage d’escalier au centre du triptyque, les portes claquent, s’ouvrent et se ferment dans tous les sens.
On pourrait rire ou en rire. On pourrait penser à un vaudeville ou à un numéro de clown mais l’histoire ici est tragique : Georges Dyer est mort ! L’amant de Francis Bacon vient de se suicider (quelques jours avant l’exposition). La porte du bas est un cercueil, la descente aux enfers a déjà commencé.
Georges Dyer est mort -un sujet disparaît (passe à la trappe)- et comble du grotesque, comble du burlesque, ce tableau du milieu s’apparente à une trappe, comme il en existe au théâtre, au centre d’une scène : pffft un trou !
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Le Sujet disparaît … pour mieux faire apparaître la dimension de Personnage
On pourrait presque dire le Sujet disparaît au profit de Personnage. Personnage masqué vaguement cambrioleur...
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Le tragique et le comique sont le recto/verso d’une seule et même histoire comme au théâtre
Le grotesque et le sacré pourraient tenir ensemble comme le recto et le verso d’une seule et même carte
Bacon aimait le théâtre autant que la littérature, il l’a montré dans les titres de certaines de ses peintures
Peut-être interroge-t-il à sa manière le cirque de l'angoisse et la figure du clown ?
Le clown pour supporter l’angoisse. Quel masque du comique ou du tragique faut-il porter pour...? du beau du laid? (on connaît son attirance pour les visages déformés et ridicules)
Mon propos n’est pas ici de forcer le trait sur son amour du théâtre
Ni même de donner du contenu au sujet de l’exposition du centre Pompidou :
"Bacon /Littérature et art"
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Mais de jouer avec son amour du théâtre comme on joue au théâtre ou comme on se joue du théâtre.
Parce que le jeu fait partie de la vie… aussi
Ici la pièce est en trois actes, l’histoire aussi banale qu’un rendez-vous :
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J’ai imaginé
L’immeuble
La cage d’escalier
Le nombre d’étages que j’aurais à monter
Puis me suis retranchée dans l’ombre
Sur ma page d’écriture J’écris :
« Trop raide »
Trop raide l’histoire à venir ?
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Alors à nouveau je compte
Ça calme mes nerfs malades
Je compte pour calmer l’angoisse
Je compte le nombre de mois qu’il me reste à attendre,
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix
Le même temps qu’une grossesse nerveuse :)
Ça tape directement aux nerfs cette histoire
Sonner à sa porte
Dans dix mois dix jours dix heures ou dix minutes
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J'ai tourné ma langue sept fois dans ma bouche avant de monter l'escalier
Plus que quelques secondes
je ne savais pas que lui dire quand il ouvrirait la porte :
-Salut. Tu vas bien ?
-La journée a été belle ?
J'ai repris mes esprits
trouvé un peu de force
compté les marches qui me restaient à monter
plus que six
Je sais que sur terre on me croit mort
On croit que je m'appelle George Dyer
Mais en réalité je suis une femme
Pendant que je raconte tout cela
Quelque part dans cette cage d’escalier minable, quelqu'un vient d’actionner une serrure
Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule... Personne
Encore mon imagination, qui me joue un tour
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J’ai sonné
J’attends
Sur le palier je m’impatiente,
Je me vis en stand by -en arrêt sur image
J’entends la clé qui s'actionne dans le verrou
la porte s’ouvre et c’est lui main calme qui vient vers moi
Salut. Tu vas bien ?
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EPILOGUE:
L'envie du dialogue doit rester la plus forte...
Il devrait toujours en être ainsi... quelles que soient les circonstances !
Parce que les dialogues sont possibles... qu'il suffit de les inventer !
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Ici peinture et littérature (théâtre) dialoguent ensemble
Il n’y a quelquefois que peu d’espace entre un poète et un clown, entre le tragique et le comique, entre la grâce et le grotesque ! Bacon le savait sûrement !
Certains soirs de pleine lune -soirs loup garou- on les voit converser ensemble assis sur un même banc !
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Anne GALZI
Tous droits réservés
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